Le Musée de la Pêche vous invite à découvrir ou redécouvrir des femmes souvent méconnues.
À travers une série de portraits, le musée souhaite mettre en lumière leurs professions et
leurs parcours en lien avec la mer, un milieu trop souvent considéré à tort comme exclusivement masculin.
#9 - SONIA DE BORODAEWSKY – Femme marin-pêcheur
Sonia de Borodaewsky est étrangement oubliée dans l'histoire de la marine. A la fin des années 1950, sur les côtes de Charente-Maritime, elle se lance dans la pêche avec son propre chalutier, le Voluntas Dei. Un décret de la loi Colbert, datant du XVIIe siècle, interdit cependant aux femmes de monter à bord des navires de pêche, de commerce et de guerre.
Elle doit embaucher un patron pour son propre bateau alors qu'elle y embarque comme matelot. Malgré de nombreux aléas et conflits avec les Affaires maritimes, elle persévère et continue à naviguer. Elle intègre l'École nationale de la Marine marchande, institution qui n'avait jamais eu de femmes sur ses bancs, et obtient en 1961 son brevet de mécanicien à la pêche 6e catégorie.
Le 28 janvier 1963, elle devient légalement patron de pêche. Les femmes peuvent enfin embarquer légalement à bord de tous types de navires, qu'ils soient de pêche, de marine de guerre ou de commerce.
Source : https://www.sonia-de-borodaewsky.com
#8 - ANNE RENAULT - Voilière
Fille d'un marin au long cours passionné de bateaux, de dessins et de construction navale, Anne Renault s'inscrit à la 1ère promotion du CAP de voilerie en alternance aux Ateliers de l'Enfer à Douarnenez. Elle fait son apprentissage à la voilerie Normandie Tradition de Gilles Philippe au Havre puis devient stagiaire au Centre Nautique des Glénans.
A l'ouverture du Port-musée Douarnenez en 1992, elle est embauchée pour travailler sur les voiles des bateaux des collections. Elle répare et coud devant les visiteurs. En 2000, elle passe son Certificat d'Initiation nautique qui lui permettra d'embarquer notamment sur L'Hermione lors de son voyage inaugural. Elle embarque ensuite sur différents navires puis s'installe à son compte comme voilière.
Seule élève féminine de son CAP et la seule à s'intéresser aux voiles traditionnelles, elle ne s'est pas posé la question de la non mixité de cette profession. Beaucoup de femmes ont suivi son exemple et le métier de voilier est aujourd'hui autant féminin que masculin.
Elle aime le contact avec les tissus, le travail à la main, l'échange de techniques, de savoirs, faire appel aux vieux savoirs et respecter l'histoire des bateaux. Par-dessus tout, elle s'attache à se conformer aux règles de travail, au processus d'apprentissage et prend le temps d'apprendre.
#7 - PAULINE BACON - La première reine des Filets Bleus
Pauline Françoise Bacon naît le 9 avril 1883 à Concarneau. Elle est la fille d’Yves Bacon, boîtier (en conserverie) de métier, et de Marie Corentine Le Niger.
À l’âge de 22 ans, Pauline travaille à la conserverie Levesque, où elle exerce le métier d’ouvrière. Le 10 septembre 1905, ses collègues la choisissent comme ambassadrice de la Fête des Filets Bleus. Habillée d’un costume traditionnel du dimanche des sardinières, elle devient ainsi la première reine de cette célébration emblématique.
L’événement, mémorable, est décrit dans un article du magazine Femina : "On la vit descendre, parée d'un costume vieux de deux siècles, dans une barque d'honneur fleurie de bruyères roses, au milieu des coups de fusil, tandis que tout le rivage chantait en son honneur une très vieille chanson, inventée pour d'autres qui sont mortes depuis longtemps."
Malheureusement, peu d’informations et d’images subsistent de cette première reine. Seule une photo la montre aux côtés de sa première dauphine, Jeanne Lescoual.
En 1908, Pauline Bacon épouse Joseph Labasq, un boîtier né à Douarnenez. Au moment de son mariage, Pauline exerce le métier de couturière. En 1915, elle décède à l’âge de 32 ans de la tuberculose.
Aujourd’hui, chaque élection de la reine des Filets Bleus est soigneusement documentée. La longévité de ce festival n’était sans doute pas anticipée par les organisateurs de la première édition, mais il est désormais un moment culturel fort pour la ville de Concarneau, rassemblant des milliers de participants.
#6 - LUCIE DUFRESNOY - Directrice de criée
Rien ne destinait Lucie Dufresnoy au métier de directrice de criée. Née dans la banlieue de Rennes dans une famille sans attache particulière avec la pêche, elle débute des études en Lettres Etrangères Appliquées à la faculté, juste après le bac. Peu satisfaite de cette formation, elle décide d’arrêter pour entrer dans la vie active. Son désir d’apprendre n’en est pas entravé. Elle se lance dans le secteur de la grande distribution, comme caissière. Sa détermination et sa rigueur professionnelle lui permettent de gravir les échelons rapidement jusqu’à devenir responsable d’un supermarché à Quimper.
Les horaires irréguliers et le manque de souplesse la poussent vers une reconversion ; elle envisage alors les métiers de la gestion administrative comme seconde carrière.
C’est lors d’un stage en 2014, dans le cadre d’une formation, qu’elle découvre par hasard la criée. Conquise par cet univers, Lucie Dufresnoy explique : « Je ne suis jamais repartie… » et ce, même si elle a dû retrouver le rythme effréné qu’elle tentait de fuir dans son ancienne vie.
Les compétences et savoir-faire acquis dans son parcours professionnel lui ont été d’une grande aide, notamment dans la communication avec les équipes. Si elle décrit son arrivée dans le monde de la criée comme une chance, sa prise de fonction en 2023, qui fait d’elle la première femme directrice de criée de Concarneau, n’a rien d’un hasard.
Candidate au même titre que d’autres, elle a dû passer plusieurs entretiens et justifier ses motivations pour accéder au poste. Sa connaissance des équipes et des locaux a été un véritable atout.
Aujourd'hui, Lucie Dufresnoy est déterminée à moderniser, dynamiser et faire connaitre la criée de Concarneau et ses métiers.
#5 - MARIE-HENRIETTE DUBUIT - Biologiste marin
Née à Plouzané dans le Finistère, Marie-Henriette Dubuit découvre très jeune sa vocation pour la biologie marine. Elle l’explique dans un entretien donné en 1995 à la revue scientifique Réseau : « Je voulais me consacrer à la biologie marine et surtout aux poissons ». Son baccalauréat en poche, elle monte à Paris pour ses études supérieures. Elle obtient d'abord un DEA, puis valide un doctorat avec une thèse sur la biologie des raies.
Nouvellement diplômée, Marie-Henriette Dubuit entre en 1964 à la station marine de Concarneau, alors sous la houlette du Collège de France. Elle y conduit des études sur l’alimentaon des poissons de fond, tels que le merlu, le cabillaud ou encore le merlan, des espèces toutes pêchées par des chalutiers.
Pour mener à bien ses travaux, Marie-Henriette Dubuit développe une approche qui privilégie le travail sur le terrain plutôt que celui de laboratoire. Elle passe ainsi beaucoup de temps sur les chalutiers à Boulogne, Dieppe, Lorient, mais aussi à Terre-Neuve, au Portugal, aux Canaries et en Islande. En 36 ans de carrière elle réalisera plus de 40 embarquements de pêche chalutière.
Quand elle n’est pas en mer, elle est à quai et dans les criées, au contact des pêcheurs. La proximité qu’elle entretient avec eux fait d’elle une figure marquante de Concarneau. Le milieu marin garde un souvenir empreint d’admiration pour celle qui a toujours défendu l’idée que pêcheurs et chercheurs devaient collaborer. Marie-Henriette Dubuit s’inscrit dans la lignée d’Anita Conti.
Ses recherches ont notamment contribué à définir les quotas de pêche à l’échelle européenne.
Elle s’est éteinte le 9 novembre 2015 dans sa commune natale de Plouzané.
#4 - ANITA CONTI- Océanographe, dite : La Dame de la mer
Née en 1899 dans une famille bourgeoise de la région parisienne, Anita Caracotchian et ses parents se retirent sur l’île d’Oléron, au début de la Première Guerre mondiale. Jeune fille, elle y découvre la mer, pratique la voile et la photographie.
Son mariage en 1927 avec le diplomate Marcel Conti lui permet de voyager. Dans les années 1930, elle devient journaliste maritime. Elle s’imprègne d’ouvrages scientifiques et se forme de manière autodidacte à l’océanographie.
Ses articles avisés lui valent d’être recrutée par l’OSTMP, l’Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes. En 1933, elle embarque à bord du Président Théodore Tissier, premier navire océanographique de France. A bord, elle échange avec l'équipe des chercheurs dirigée par Édouard Le Danois et parfait sa culture scientifique. Très vite, elle est reconnue comme l’une des leurs.
Dans les années 1940, ses recherches autour de la pêche sur les côtes de l’Afrique Occidentale Française sont soutenues par le gouvernement d’Alger. Pleine de pragmatisme, elle proteste contre le gaspillage engendré par la pêche et cherche une solution pour transformer les indésirables (poissons morts, rejetés en mer) afin de mettre fin à la malnutrition.
Les ressources marines deviennent sa première préoccupation et, dans les années 1950, elle mène des recherches indépendantes. Ses compétences scientifiques et son charisme lui permettent de se faire accepter sur le terrain, à bord des navires, au milieu des marins.
En 1958, Anita Conti fait un passage marquant à Concarneau durant lequel elle étudie les requins pèlerins et se prend de passion pour cet animal qui souffre d’une mauvaise réputation.
Dès les années 1960, ses idées novatrices font d’elle une écologiste avant l’heure. Anita Conti est une des premières à comprendre et alerter sur les risques de surpêche et l’importance de la protection des écosystèmes marins.
Ses recherches et ses intuitions font d’elle une légende. Après une vie bien remplie, Anita Conti s’éteint le 25 décembre 1997 à l’âge de 98 ans.
#3 - MARIE-PAULE LE GUEN- Gardienne de phare
Marie-Paule Le Guen est née dans une famille de marins-pêcheurs bretons.
Dans l’histoire des phares, le gardiennage effectué par des femmes n’est pas anecdotique. De la fin du XIXe siècle jusqu'à plus de la moitié du XXe siècle, un tiers des gardiens sont des gardiennes. Leur statut est celui d'auxiliaire, la plupart du temps elles remplacent leur mari ou père décédé. Leur salaire est inférieur à celui d’un homme à poste égal et elles n'assurent le gardiennage que de petits phares sur la côte.
Pontusval, phare situé à Brignogan-Plages, dans le Finistère nord, témoigne de l'histoire méconnue de ces gardiennes de phare. De son premier allumage en 1869 à son extinction en 2003, il aura connu 10 gardiens différents, parmi lesquels 6 femmes.
Marie-Paule Le Guen en a été la gardienne de 1968 à 2003.
Chargée de l'allumage et de l'extinction du feu, elle gravissait plusieurs fois par jour jour une cinquantaine de marches. Les épisodes de tempêtes qu'elle a connus ont marqué une carrière bien remplie. Pour cette femme dont le mari était engagé dans la marine marchande sa mission portait une tonalité particulière : le phare était pour elle avant tout l'assurance de sécuriser les marins.
Logée au pied du phare, Marie-Paule était la dernière gardienne de phare en France avant la mécanisation du phare de Pontusval en 2003. Elle a pu continuer à occuper son logement pendant sa retraite.
De tous ces gardiens, Marie-Paule reste la plus emblématique, affectueusement surnommée la « Mamie du phare » dans sa région. Marie-Paule Le Guen était également une gardienne de mémoire, sollicitée par de nombreux journalistes. Ses témoignages sont une ressource précieuse pour transmettre l’histoire d’une activité aujourd'hui disparue.
#2 - YVONNE VERGOZ, PDG de chantier naval
Née dans un milieu rural très éloigné du monde des chantiers navals, Yvonne Vergoz se forge dès l’enfance un caractère fort et commence à travailler dès 12 ans.
Par la suite, elle épouse René Vergoz qui fonde en 1957 à Concarneau le chantier naval Forge et Chaudronnerie Concarnoise. En 1967, ce dernier décède et sa femme reprend l'activité afin de poursuivre son œuvre. En 1973, elle concrétise le projet de déménagement du chantier, amorcé par son époux, de l'Anse du Lin vers les quais du Moros puis l'année suivante, le premier chalutier pêche arrière de Concarneau sort de ses ateliers.
Yvonne Vergoz a su développer l’entreprise au-delà de la Bretagne et des frontières nationales en fabriquant des chalutiers pour la Guyane, Madagascar, l'Algérie ou encore l'Océanie.
En 20 ans, elle a su s'imposer dans un monde traditionnellement masculin. Au plus fort de son activité, le chantier employait plus d’une centaine de personnes, participant activement à maintenir Concarneau à la troisième place des ports de pêche en France.
Le début des années 1990, marqué par la crise de la pêche, met un frein aux activités du chantier naval. En 1993, le chantier ainsi que ses employés sont repris par le groupe Piriou. Visionnaire, Yvonne Vergoz avait anticipé l’évolution de Concarneau en port de plaisance.
Reconnue par ses pairs, elle a été décorée de la médaille du mérite national et de la médaille du mérite maritime. Yvonne Vergoz a marqué Concarneau et une rue de la ville porte aujourd’hui son nom.
#1 - SANDRINE THOMAS, marin-pêcheure
Née dans les Vosges, Sandrine Thomas n'était pas destinée au métier de la pêche. Biologiste de formation, sa rencontre avec son mari, marin-pêcheur il y a plus de 18 ans, a scellé son destin. Après une formation, elle est devenue elle aussi marin-pêcheure.
À bord du Goëlo, un ligneur caseyeur de 12 mètres, cette femme ouverte et dynamique a exploré les côtes espagnoles, du sud de la France et de la Nouvelle-Aquitaine.
Travaillant aujourd'hui à Concarneau, elle partage son année entre plusieurs techniques et espèces, commençant par la capture du poulpe au casier, puis passant à la ligne avec le merlan, le bar, le lieu jaune et le congre.
Sandrine Thomas est l'une des deux seules femmes à pêcher le bar à la ligne et veille à ce que son activité soit durable, évitant tout rejet en mer. Lors d'un reportage diffusé dans l'émission Thalassa sur France 3 le 10 mars 2023, elle déclare à propos de la pollution liée à la pêche : "Ça m'embête de ne pas respecter le milieu qui me nourrit et qui fait vivre toute ma famille [...]. Nous, les marins-pêcheurs, devrions être les plus vigilants, les plus respectueux.".
Le respect de la mer pour Sandrine Thomas inclut également le respect de l'animal, de la capture à l'abattage. Formée au Japon à la technique ancestrale de l'ikejime, (technique qui permet un abattage sans souffrance pour les poissons), elle est aujourd'hui formatrice à son tour pour ses collègues. Soucieuse d’assurer une qualité optimale des produits pour les consommateurs elle privilégie la vente directe.
Sandrine Thomas est une femme résolument engagée et préside l'association Femmes de la Mer. À travers cette mission, elle souhaite accompagner le développement de ce métier d'avenir en favorisant une plus grande égalité entre les hommes et les femmes.